Aigremont2
Nous ne disposons pas à ce jour d’une description de la ferme fortifiée telle qu’édifiée par les Poissy. En revanche, le plan le plus ancien dont nous disposons (voir plan page précédente) et les descriptions de la fin du XVIIIe siècle (1778) et de l’an III nous permettent de constater que celle-ci a perduré pendant six siècles dans sa structure initiale correspondant à ce que nous baptiserions de "modèle type". L’ensemble de la construction constitue un carré hors tout de 50 m de côté. Le plan de 1737 est probablement très proche du plan original, il suffit d’ajouter la quatrième tour d’angle.
Plutôt que de vous infliger à la suite les deux descriptions de la fin du XVIIIe siècle, nous vous restituons la combinaison des deux car elles sont particulièrement complémentaires : l’une ne retenant que l’aspect du bâti (1778), l’autre la mesure et la destination des bâtiments. Nous avons conservé l’orthographe de l’époque. Vous remarquerez que dans un même texte, un même mot peut être orthographié différemment. En revanche nous avons converti les dimensions données en mesures anciennes (pouce, pied, toise, perche, arpent) en leur équivalent dans le système métrique, ce qui permet une approche plus directe de cette description.
« La ferme était entourée de fossés à eau dans la partie basse, où est l’entrée par une Chaussée et une Arche de Maçonnerie sur le fossé et qui était aussi flanqué de tours dans les Angles et en autres parties suivant les Vestiges qui en restent en ruines.
La ferme a son entrée exposée au nord et par un chemin qui luy est particulier au bout duquel est l’entrée de porte charretière à deux venteaux avec guichets et ferures entre deux pignons d’Ediffice dépendants de la ferme.
Une cour de 34 m de long sur 22 m de large ensuitte avec une Chaussée de pavé à droitte de laquelle est une Marre contre laquelle sont deux Anciens Arbres Fruitiers. En quatre Sens (sur les quatre côtés) de la Cour sont des batiments pour l’exploitation d’icelle.
Celuy à droitte de la porte d’entrée et qui luy est parallèle contre le Mur de Clôture est élevé de Rez de chaussée et grenier, couvert de thuille en Comble à deux Egousts, composé d’une bergerie de 13 m sur 6 m, de travées et demy ; on Monte au Grenier au dessus par une lucarne au Moyen d’une Echelle.
Joignant, en retour en aisle droitte de la Cour, une première partie d’Ediffice de même élévation, couverte de thuilles à deux Egousts dont les deux premières travées à droitte sont employées en une bergerie et grenier au dessus, airé de plâtre à la suitte du précédent, et les deux autres en une petite grange à Mestre Grains. Au levant de la dernière des travées, un poulailler sous le ralongement du Comble, à l’allignement de la grange cy après.
Une seconde partie d’Ediffice en Continuant en aisle à droitte, plus élevée et aussi couverte de thuilles en Comble à deux Egousts, employée en une grange à bled de 8,5 m sur 8 m, de quatre travées, compris l’aire, fermée d’une grande porte cochère avec guichet. Joignant au delà, en renforcement sur la grange, un Ediffice de 7 m sur 5 m, en apentis, couvert de thuilles pour un Cellier enfoncé de deux travées avec deux poulaillers au dessus.
En retour, au fond de la Cour, en face de l’entrée de porte Charetière, est le principal bâtiment pour le logement du fermier avec une partie de bâtiment à droitte et à gauche. Le principal bâtiment, 18 m de long sur 8,5 m de large, pour le logement du fermier, en face de la poerte d’entrée, est élevé d’un Rez de chaussé et d’un Etage qarré et grenier, couvert de tuilles en Comble à deux Egousts. Il consiste au Rez de chausssé, en une entrée ou Vestibule fermé d’une porte pleine et dans lequel est un Escalier en visse à un Noyau en plâtre et au derrière une tourelle avec un apentis couvert de thuilles, adapté pour une laicterie.
A gauche, une grande Cuisinne, pavée, à poutre et solives apparentes éclairée par une Croizée avec ancien Châssis à panneaux de verre en plomb en quatre parties, garnie de volets et une pierre d’Evier au dessous. Une grande cheminée en hotte sous laquelle est une petite porte de communication à la pièce joignante ; la porte d’entrée et celle de communication au jardin et une quatrième pour la pièce à droitte sont peines à un venteau avec ferrures.
La pièce joignante à gauche, au derrière de la cheminée, est à usage de fournil, airé de terre, à poutre et solives apparentes, éclairée sur la Cour par une Croizée à un battant à Carreaux de Verre avec barreaux ; un four dans œuvre, enfoncé, avec Marches en plâtre pour monter à un réduit au-dessus et une autre rampe droitte, aussi en plâtre, pour monter à une autre petite pièce, airée de plâtre, au-dessus de la laicterie , éclairée par une Croizée avec barreaux de fer sur la Charreterie, sur laquelle le fournil a aussi une porte de Sortie.
La Cuisine donne encore entrée dans la tourelle joignante où est un passage qui conduit à la laicterie dans la partie adaptée, laquelle est pavée et éclairée par de petites bayes. A droitte de la Cuisinne, au derrière de l’escalier, une salle à cheminée, carrelée de grands Carreau de terre cuitte, à poutres et solives apparentes, éclairée par une Croizée sur le jardin [voir illustration ci-dessus] avec châssis à coulisse à Carreaux de verre avec barreaux de fer au dehors ; la porte est pleine à un Venteau. Au derrière, Vers la Cour, un Cabinet où réduit, airé de terre, à poutres et solives apparentes, éclairé par une baye sans châssis, ayant une porte de Communication et une autre entrée par la cour.
L’étage quarré au dessus de la Cuisinne et fournil consiste en deux chambres ensuitte l’une de l’autre, la première carrellée de grand Carreau de terre cuite, à poutre et solives apparentes, éclairée sur la Cour par d’Anciens châssis à panneaux de verre en plomb avec volets et un passage conduisant à un cabinet dans la tourelle, airé de plâtre et plafonné, Eclairée par une Croizée sans verre sur le jardin dans laquelle tourelle sont des vestiges d’Escalier montant au grenier au-dessus. La Seconde chambre est Carrellée de petit Carreau de terre cuitte, plaffonnée, à cheminée, éclairée par une Croizée sur la Cour avec châssis à coulisse à Carreaux de verre et grille à barreaux de fer au dehors. De l’autre côté de l’Escalier sont deux petites pièces, à Côté l’une de l’autre, l’une sur la Cour et l’autre sur le jardin, airées de plâtre, à poutre et solives apparentes, la première Eclairée par un petit châssis à carreaux de verre et à barreaux, la seconde, à cheminée, éclairée par bayes sans châssis et avec grille à barreaux de fer.
Au dessus, un grand grenier d’une seule partie, dans lequel est l’entrée d’un Cabinet dans la tourelle où l’escalier se continue dans la pointe du Comble [voir illustration ci-contre] ; le grenier, airé de plâtre, éclairé par une lucarne, communique encore dans une chambre pratiquée au dessus du fournil, laquelle est à cheminée, airée et avec lambris rampant en plâtre, à solives apparentes au plancher haut, éclairée par des lucarnes sans fermeture.
La partie à droite du bâtiment principal, élevée d’un Rez de chaussé et grenier, Couverte de thuilles en Comble à deux Egousts /est/ composée d’une Ecurie simple de quatre petites travées de 8,5 m par 8 m, avec rattelier et Mangeoire ; on Monte au grenier au dessus par une lucarne, au Moyen d’une Echelle.
L’édifice à gauche du principal est élevé et Couvert de même et Composé de cinq travées de Chareterie (à ne pas confondre avec un chartier) de 20 m par 8,5 m, soutenues par des pilliers de pierre sous les Antrais fort élevés. Sous l’Ediffice est l’entrée d’un Cellier auquel est joint une des Anciennes tourelles dans l’angle et, au milieu des Chareteries, est une baye de petite porte pour l’entrée du jardin.
Le bâtiment à gauche de l’entrée de porte charretière et qui luy est paralèle comme celuy à droitte, élevé d’un Rez de chaussée et grenier, Couvert de thuilles en Comble à deux Egousts, composé de deux Vacheries (14 m de long sur 4,5 m de large) ensuitte l’une de l’autre avec Crèche et, au haut, est adossé un toict à porcs (2,3 m sur 4 m) couvert de tuilles en appentis.
En Retour en aisle à gauche, un Ediffice, couvert de thuilles à deux Egousts, composé d’une grange à Avoine de Cinq travées (30 m de long sur 7m de large), compris l’aire, fermée d’une porte à deux venteaux. Au delà, du même côté, et jusqu’aux charreteries, sont des vestiges et ruines d’anciens bâtiments entièrement détruits.
A ces bâtiments sont encore attachés en 1791, environ 50 ha de terrains.
Un Jardin potager & fruitiers planté d’Arbres à hautes tiges recevant la décharge des eaux de la Fontaine de la Commune.
Un autre Jardin clos de murs de 56 m sur 48 m planté en Arbres à fruits
1,5 ha ou environ de terre en pâture, avec quelques Arbres fruitiers et Ormes
0,5 ha ou environ en pâture sur lequel sont quelques Arbres fruitiers
14 ha de terre labourable ou environ lieu dit les Graviers & le grand clos plantés en partie d’Arbres fruitiers.
24 ha de terre labourable plantés d’Arbres fruitiers, dite la grande pièce.
35 a de terre lieu dit la vielle vigne
2 ha de terre labourable, terroir de Chambourcy, lieu dit le Grand Champ
3,5 ha ou environ, terre labourable, terroir de Chambourcy & d’Aigremont, quelques arbres fruitiers
1 ha ou environ, terre labourable, lieu dit la Tuillerie
0,5 ha terre labourable, même lieu
0,5 ha lieu dit Martinval, planté en châtaigniers
43 a terre labourable, lieu dit Le Pré de Lettre
35 a terre labourable terroir d’Aigremont. »
Cette construction fortifiée, entourée de fossés ne justifie pas d’être appelée château. Elle rassemble les bâtiments indispensables à la gestion d’un domaine agricole où réside le chef d’exploitation, receveur des terres du seigneur du fief et à ce titre mérite le nom de fieffée ferme.
Le seigneur détenteur du fief et des droits attachés à cette terre ne réside pas sur place, à l’exception, peut- être du fondateur. Il convient donc d’essayer de reconstituer cette double chaîne jusqu’à l’extinction des droits féodaux, c’est à dire jusqu’à la nuit du 4 août 1789.